Le 2 septembre 1939 papa est rappelé aux armées et affecté au 321e Régiment d’Infanterie de Montluçon.
Le 18 Juin 1940 il est fait prisonnier à Ronchamp Champagney (Haute Saône) puis emmené au stalag 140 situé à Belfort.
Ce stalag est un centre de trie et les prisonniers après sélection sont envoyés dans des stalags en Allemagne.
Le 21 janvier 1941 Il est au stalag VI F situé à Bocholt en Allemagne matricule 2287.
En 1943 il est au Stalag VI J situé à Krefeld Fichtenhain (Rhénanie Westphalie).
Ce stalag, situé dans la banlieue de Krefeld sur la rive gauche du Rhin, est à égale distance de Düsseldorf et de Duisburg.
La ville est située à 40 km de La frontière Hollandaise.
Krefeld est aujourd’hui une ville industrielle de 200 000 Habitants.
Duisburg au confluent du Rhin et de la Rhure
Arbeit kommando N°1912:
Papa est affecté dans l’Arbeit Kommando N°1912, celui-ci est constitué de 75 hommes et est destiné aux travaux d’agriculture dans le village de Serm sur la rive droite du Rhin.
En haut de la photo l’usine Thyssen Krupp , de l’autre coté de la route le village de Serm qui va jusqu’au Rhin
Eglise de Serm en 2017
Photos de Papa dans les champs de Serm et sur le Rhin gelé
Au fil du temps il reste à la ferme et ne rentre pas tous les jours au camps.
Le dimanche il va voir son frère Alexandre qui est dans le secteur au BAB 17 (voir paragraphe Alexandre).
Le 10 avril 1944 il est toujours à serm et adresse une lettre à son épouse Marcelle ou il relate sa captivité et son éloignement.
Chère Marcelle
« Voici les fêtes de Pâques passées encore une fois tout seul ces deux jours sans travail furent deux long jours pour moi, j’ai pensé à notre pauvre père et à nos privations depuis 5 années que nous sommes la, les plus beaux jours de notre temps perdus
On dit toujours que c’est la dernière mais nous sommes là à travailler pour les autres et nous n’avons pas beaucoup à manger et il y souvent des alertes.
J’ai n’ai pu aller voir mon frère (Alexandre) pour Pâques mais on ne fait pas comme on veut, peut être la semaine prochaine mais je ne peux pas y aller seul
Dans le courrier de février tu avais dit avoir mis des chaussettes mais je n’ai rien reçu
Les Blessures et les furoncles sont partis
J’espère que tu as de bonnes nouvelles de notre Lilou tu l’a eut peut être avec toi pour les fêtes de Pâques à Morsang
Donne le bonjour à tous et bien des choses à papa et maman (surement les parents de maman)
Donne de grosses bises à ma grande fille
Ton mari qui t’aime beaucoup et pense souvent à toi
Je ne t’oublierai Jamais….
ALBERT
Le Stalag VI J:
Photo de l’entrée du Stalag prise par l’armée Américaine en Avril 1945
Le camp était situé au milieu d’une foret de pins, c’était un centre de santé et de rééducation pour garçons.
Il était constitué d’un bâtiment construit en dur et de baraquements en bois.
Le 22 Octobre 1941 il y avait 18032 Prisonniers répartis comme suit :
14064 Français
2715 Polonais
1307 Yougoslaves
L’homme de confiance français est le Sergent Debonne Julien n°2263
Peu de prisonniers restent au stalag, la plus-part travaillent dans les Arbeit Kommando ceci afin de remplacer les travailleurs allemands et faire tourner l’économie de la région.
Dans les baraques il y a les dortoirs avec des lits sur 3 étages sans matelas, les prisonniers dorment sur les planches et ont une couverture et éventuellement une couverture personnelle.
Le bâtiment en dur est chauffé mais les baraques en bois n’ont pas de chauffage (il y bien des poêles mais il n’y a pas de tuyaux).
L’habillement est fourni par la croix rouge une fois par mois et les prisonniers manquent de chaussures de lainages et de chaussettes.
Ils doivent donc marcher avec des sabots.
Chaque prisonnier prépare lui-même son repas.
Il a une ration de pain de 1750 grammes par semaine.
Le repas type:
Petit déjeuner 1 bol d’ersatz de café chaud (sous produit qui ressemble au café)
Déjeuner 1 soupe chaude
Diner 1/5 pain margarine et saucisse
Les prisonniers travaillent 12 heures par jours environ et ont un dimanche de repos par mois
Ils reçoivent une solde de 10 RM (voir explication en fin de texte) par mois et ont la possibilité d’acheter de la bière au foyer du camp
La discipline est très sévère et les prisonniers se plaignent des mauvais traitements de la part des civils qui travaillent avec eux dans les usines
Dans le camp il y a une mutuelle gérée par les prisonniers, la cotisation est de 50 Pfennigs par mois
La Libération des prisonniers:
Les soldats américains investissent le camp de Krefeld au mois d’avril 1945 (avant le 23 avril car papa qui était de l’autre coté du Rhin à été libéré le 23 avril).
Mais les allemands avaient évacué le camp le 4 Mars 1945 en emmenant avec eux les prisonniers sur les routes plus de 1000 prisonniers une lettre d’un ami à papa écrite à son retour relate précisément l’évacuation du camp et la marche forcée vers l’arrière.
Papa n’est pas dans cet exode des prisonniers, il est resté chez ses fermiers à Serm.
Cette lettre fut écrite le 28 Janvier 1946.
Lettre de Maurice Roussel:
Cher Albert
Que doit tu penser de moi, voila un moment que j’ai reçu ta carte qui m’a fait grand plaisir je te l’assure de te savoir rentré, mais le plus malheureux que tu aies attrapé cette mauvaise maladie, fait toi bien soigner. Je suis allé à Créteil pour noël j’aurai pu aller te voir au val de grâce si je l’avais su(il avait au retour un Ulcère gastrique douloureux et hyperacousie de l’oreille gauche)je te remercie de tes bons vœux et en échange, mais un peu tard reçoit les miens, tu me dis que tu est resté à Serm à la débâcle, nous n’étions pas très loin, quand à nous nos Kommandos sont partis le 4 mars et moi comme j’avais un pied de cassé je n’ai pas voulu partir je suis resté avec 4 copains dans la cave de notre baraque pendant 3 jours, et après ils nous ont envoyé dans une cave de l’usine à la porte 2 que tu connais (usine métallurgique Mannesmann Thyssen ) et la nous sommes resté 18 jours avec des grands blessés de toutes les nations sans lumière et avec un verre de soupe par jour et l’artillerie à volonté, pas besoin de te dire que l’usine Mannesmann à été broyée, nous avons eut des copains tués et blessés.
Après cela ils ont fait partir à pied les plus valides pour le Mittel Deutchland, les Volkssturms (voir explication en bas de page) nous emmènent à Duisbourg centre de rassemblement et pas à manger, nous voici partis une colonne de quelques mille et les boches nous tapent dessus
Au bout de quelques km vers Müllheim je ne peux plus marcher, ils me laissent dans le fossé avec des russes qui attendent un camion, j’ai vu Henri de Veiss et nous sommes partis en auto à travers la montagne, le soir on a fait la pose quand même et Le lendemain on a refait de la marche je n’en pouvais plus, j’ai atterris à Hattingen à quelques km de Dortmund Bochum (au sud de Bochum)
Je suis resté 4 jours sans manger c’est le 5e jour au matin à 7h que j’ai mangé 3 pissenlits sur un chemin pas besoin de t’en dire plus long tu vois comme j’en ai vu pour finir cette captivité de 5 ans. J’ai travaillé chez un coiffeur 2 jours je me suis barré car il me donnait une soupe par jour, il y a de quoi en faire un livre ce sont des souvenirs qu’on ne peut oublier, puis tous les jours bombardé. Les Américains nous ont délivrés le 15 avril au soir à 9 heures encore une belle journée je ne peux qu’en remercier le bon dieu et j’ai été rapatrié le 12 Mai à Paris .En rentrant ma femme était à la maternité tu parle d’un retour, alors je suis en divorce et plus rien à la maison etc.……..
Un copain qui ne t’oubliera jamais
Maurice Roussel 76 rue de l’hôpital Epernay
le périple de Maurice Roussel
Papa sera libéré le 23 Avril 1945.
Rapatrié le 7 mai 1945 et sera démobilisé à Versailles le 19 mai 1945.